Blog » Travail de bureau : les oubliés de la prévention sécurité

Travail de bureau : les oubliés de la prévention sécurité

De nombreux chefs d’entreprise, responsables des ressources humaines, préventeurs ou  délégués CSSCT souhaitent prévenir les troubles musculo-squelettiques, les douleurs et les accidents du travail des employés et plus généralement améliorer la qualité de vie globale des salariés. Dans la majorité des cas, ces personnes demandent aux consultants d’intervenir uniquement auprès des employés « à risques ». Ils pensent à ceux travaillant sur la chaîne de production, les caristes, les manutentionnaires, les conducteurs d’engins, etc. Les personnes travaillant 8 heures par jour assises à un bureau sont souvent considérées comme moins soumises aux risques. C’est pourquoi de nombreuses politiques de prévention et de sécurité des entreprises, y compris celles qui veulent bien faire, les font passer au second plan. Cependant certaines entreprises ont bien compris que les employés administratifs souffrent eux aussi, physiologiquement et psychologiquement, et que cela a un impact sur leur vie professionnelle et personnelle.

L’état des lieux

Selon la Caisse nationale d’assurance maladie, les arrêts de travail pour des personnes exerçant leur métier à un bureau représentent 1 million de journées perdues chaque année (1) :

  • En moyenne, pour un accident du travail, l’arrêt dure 70 jours.
  • Pour une maladie professionnelle, l’arrêt de travail s’élève en moyenne à 243 jours.
image état des lieux arrêts de travail

Cela représente un coût important pour l’entreprise, mais aussi pour les salariés. Leur vie personnelle autant que professionnelle est totalement bouleversée par les douleurs qu’elles subissent. Sans compter les arrêts de travail qui en sont la conséquence. Il est donc important d’agir.

Les risques liés au travail assis à un bureau

Kévin Debrosses, de l’INRS (Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles), a compilé différentes études concernant la sédentarité. Elles établissent formellement en quoi le comportement sédentaire, induit par l’activité professionnelle à un bureau, nuit à la santé (2). Les chiffres sont saisissants.

Image risques liés à la sédentarité
  • Chez tous les actifs confondus, le temps passé assis lors d’une journée de travail est évalué à 7h28 en moyenne : 4h10 pour le travail, 2h11 pour les loisirs et 1h06 pour le transport.
  • Chez les salariés exerçant leur métier à un bureau, le temps passé assis est évalué à 9h46 dont 6h13 au travail !

Sachant que la durée moyenne de sommeil est de 8 heures par jour, cela ne laisse pas beaucoup de temps debout et en activité ! Or la sédentarité et la position assise prolongée ont des effets délétères sur la santé. Différentes études épidémiologiques le prouvent :

  • Augmentation de 49 % de la mortalité en moyenne. Plus particulièrement, augmentation de 90 % de la mortalité cardiovasculaire, de 112 % du risque de développer un diabète de type 2 et de 147 % de souffrir d’une maladie cardiovasculaire (3).
  • Risque accru de souffrir de lombalgies, de douleurs dorsales, de troubles musculo-squelettiques (TMS). Des chutes de plain-pied ou d’un escalier pour cause de sol glissant, câbles affleurant sur le sol, éclairage insuffisant, travail en état de stress, sont aussi fréquentes.
  • Des risques psycho-sociaux élevés : stress, syndrome d’épuisement au travail (burn-out), troubles psychologiques, en raison du rythme de travail, du manque d’autonomie et de reconnaissance, de la charge mentale, du bruit, de la promiscuité (notamment en open space), voire du harcèlement professionnel.

Les solutions pour diminuer ces risques

Le pire n’est toutefois pas inéluctable : il existe des solutions. La première étape est de réaliser une évaluation. Mais il est indispensable de la réaliser auprès de chaque salarié, en l’interrogeant personnellement. L’évaluation globale d’une entreprise ou d’un service n’a que peu d’intérêt, puisque chaque individu est différent. Ce n’est en effet pas seulement en changeant les sièges de bureau et en passant les câbles sous la moquette que l’on élimine les risques. Il est nécessaire de s’intéresser à chaque salarié. Il convient de prendre en compte son âge, ses antécédents, ses pratiques, ses habitudes alimentaires, sa condition physique, et même sa situation personnelle. C’est la seule manière d’établir un plan de prévention efficace. Cet audit permet de mettre en œuvre des actions simultanées dans les domaines suivants.

Un entraînement au travail

Comme indiqué précédemment, le corps humain n’est pas fait pour rester assis pendant des heures. Les risques sur la santé ne sont évidemment pas les mêmes que pour les personnes travaillant sur des chantiers ou au volant d’engins. Toutefois l’impact négatif à long terme sur la santé est scientifiquement avéré. Il est donc indispensable, si l’on passe sa journée assis à un bureau, d’intégrer des routines, des pauses actives permettant de compenser les longues séquences assises et immobiles.

Une correction de la posture et des gestes

Il faut bien sûr travailler sur l’ergonomie du poste de travail. Une idée à la mode est d’installer des postes de travail informatique debout. Cela évite en effet la position assise, mais cela peut favoriser ou augmenter le phénomène de jambe courte. Il est intéressant de prévoir éventuellement ce type de poste debout avec tapis roulant. Mais à moins de vouloir transformer ses salariés en marathoniens, il semble délicat de les faire travailler en marchant toute la journée ! Il sera sans doute mieux accepté que cela soit un poste de travail de passage. Une solution alternative est d’essayer de travailler une partie de la journée assis sur un Swiss Ball. Cela oblige à garder une posture active et à maintenir le corps en tension. Les personnels administratifs doivent être incités à se lever régulièrement, s’étirer, éviter de rester immobiles pendant de trop longues heures.

Une incitation à l’activité physique

Cela ne peut se faire qu’à condition toutefois de prendre en compte les spécificités de chacun. Il n’est pas question de se contenter de prévoir de simples cours collectifs entre midi et 14h ! Céder à la popularité actuelle des séances de sport au travail est dangereux : le sport n’est pas forcément bon pour la santé. En revanche, une activité physique adaptée à l’individu, oui ! Il faut donc une approche individualisée et clairement préventive.

Un apprentissage à la pleine conscience

Pour être bien dans son corps et sa tête, il faut apprendre aux salariés à agir en conscience. Cela permet d’éviter les automatismes qui s’avèrent dangereux. En mettant le cerveau sur « automatique », ils augmentent le risque d’accident. En agissant en conscience, chaque salarié devient l’acteur de son bien-être global.

Une action concertée pour améliorer les relations au sein de l’entreprise

Pour lutter contre les risques psycho-sociaux, il est absolument indispensable de travailler sur le climat social de l’entreprise et au sein des équipes.

Ce n’est qu’en intervenant sur ces différents postes de manière globale et simultanée que les risques professionnels du travail de bureau pourront être diminués sur le long terme.

La pandémie de covid-19 a encore augmenté le risque de sédentarité. La crise sanitaire a fait du télétravail une obligation dans tous les services où il est possible. Réfléchir ensemble pour trouver des solutions permettant de réduire les risques sanitaires de long terme liés à la sédentarité est donc devenu un enjeu fondamental de santé publique.

Image solutions à la sédentarité et au travail de bureau

David Léon, fondateur de Work’n Fit.


Sources :

(1) Chiffres de l’INRS,

(2) Hygiène et sécurité du travail n° 252, septembre 2018, « Le comportement sédentaire au travail : de quoi parle-t-on ? »,

(3) Wilmot E.G., Edwardson C.L., Achana F.A et al., Sedentary time in adults and the association with diabetes, cardiovascular disease and death: systematic review and meta-analysis, Diabetologia, 2012, 55, 11.